Le compte en fidéicommis: remboursement des sommes reçues à titre d’acomptes ou d’arrhes
Dans le cadre d'une transaction immobilière, il arrive fréquemment que l'acheteur verse un acompte sur le prix de vente. Le courtier qui reçoit cette somme doit alors, s’il agit pour une agence, la remettre sans délai à l’agence pour qu’elle soit déposée dans le compte en fidéicommis de celle-ci ou de celle à qui votre agence aura délégué ses obligations. Si le courtier agit à son compte, il doit faire le dépôt dans son compte en fidéicommis. La somme reçue de l’acheteur doit demeurer dans le compte en fidéicommis jusqu’à ce qu’elle soit requise par le notaire, aux fins de l'acte de vente.
La marche à suivre par l’agence ou le courtier fiduciaire est cependant beaucoup moins claire lorsque le vendeur ne veut plus vendre ou que l'acheteur ne veut plus acheter. Trop souvent dans une telle situation, l’agence ou le courtier ne sait pas à qui remettre l'acompte détenu, ou encore, à la demande de quelle partie il doit agir. L’agence ou le courtier peut-il garder cet acompte pour payer sa rétribution? Qu’advient-il de la somme si le vendeur refuse qu'elle soit remise à l'acheteur qui en fait la demande?
Malheureusement, la règlementation actuelle ne contient aucune disposition prévoyant ce qui doit être fait de l’acompte lorsque l'une ou l'autre des parties veut se désister de ses obligations avant la signature d'un acte de vente. Pour pallier cette lacune qui a des conséquences sérieuses en matière de protection du public, l’OACIQ a établi une procédure détaillée de la marche à suivre lorsque les circonstances ne sont pas aussi simples que celles prévues à la loi et à la règlementation actuelle.
Ce que disent la loi et les règlements actuels
Au chapitre de la Loi sur le courtage immobilier, l'essentiel des dispositions se trouve à l'article 10 :
Art. 10 Toute somme reçue par un titulaire de permis dans l'exercice de ses fonctions et qui ne lui appartient pas doit être versée dans un compte en fidéicommis, selon les conditions et modalités prévues par règlement de l’Organisme.
Les intérêts produits par les sommes détenues en fidéicommis et qui ne sont pas réclamés par la personne à qui ces intérêts appartiennent doivent être versés à l’Organisme selon les conditions et modalités qu’il prévoit par règlement.
Quant à la réglementation, ce sont les articles 24 et suivants du Règlement sur les dossiers, livres et registres, la comptabilité en fidéicommis et l’inspection des courtiers et des agences qui portent sur cette question, dont l’article 25 qui se lit comme suit :
Art. 25 – Les sommes qui doivent être versées en fidéicommis le sont sans délai, suivant les termes de la fiducie prévus à la proposition de transaction ou selon les termes de toute autre entente, dans un compte général en fidéicommis ouvert au nom du titulaire de permis.
Si la personne qui a confié une somme au titulaire de permis demande expressément que lui soient remis les intérêts de cette somme, le titulaire de permis doit virer immédiatement celle-ci du compte général en fidéicommis vers un compte spécial en fidéicommis. Le courtier ou l’agence doit y faire indiquer le nom du client pour qui ce compte est ouvert.
L'entente désignant l’agence ou le courtier fiduciaire est habituellement établie par la clause 4.3 du formulaire obligatoire de promesse d'achat (PA).
En application de la clause 4.3, cette somme ainsi reçue devra :
- servir d'acompte lors de la signature de l'acte de vente si une vente intervient, ce qui est l'objet même de l’acompte; ou
- être remis à l'acheteur si la promesse devient nulle et non avenue.
Rien cependant dans cette clause ne nous indique quel devrait être le sort de l’acompte s'il devenait évident qu'aucune transaction ne sera conclue, sans pour autant que la promesse d'achat ne soit devenue « nulle et non avenue », au sens juridique de l'expression. Cependant, si ce n'est pas le formulaire obligatoire de promesse d'achat qui est utilisé, il faudra examiner la clause ou l'entente relative à la conservation des sommes en fidéicommis.
Acompte ou arrhes
Le contrat, la plupart du temps une promesse d'achat, constitue la loi des parties. C'est donc à ce document que doit se référer l’agence ou le courtier pour vérifier en premier lieu s'il s'agit bien d'un acompte ou s'il s'agit d'arrhes, c'est-à-dire d'une somme d'argent donnée pour la garantie d'un marché, et en second lieu, pour déterminer qui recevra les sommes qu'il détient en fidéicommis.
S'il s'agit d'arrhes
Une somme remise à titre d'arrhes ne se présume pas. Il faut une stipulation expresse à ce sujet à la Promesse d'achat, à défaut de quoi cette somme sera considérée comme un acompte devant servir lors de la signature de l'acte de vente.
Lorsqu'un acheteur accompagne une promesse d'achat d'une somme d'argent représentant des arrhes et que cet acheteur se désiste de sa promesse, l’agence ou le courtier fiduciaire de cette somme doit considérer celle-ci comme appartenant de plein droit au vendeur. Inversement, lorsqu'un acheteur accompagne une promesse d'achat d'une somme d'argent représentant des arrhes et que le vendeur se désiste de sa promesse, l’agence ou le courtier fiduciaire doit considérer cette somme comme appartenant de plein droit à l'acheteur. De plus, l'acheteur aura alors le droit de réclamer du vendeur une somme égale à celle remise, vu le désistement de ce dernier de ses obligations contenues à la Promesse d'achat. Dans tous les cas, ni le vendeur ni l’acheteur ne pourront réclamer d'autre montant de l'autre partie à la transaction, la convention d'arrhes étant la représentation des dommages liquidés.
S'il s'agit d'un acompte
À défaut d’un énoncé qui stipule précisément qu’il s’agit d'arrhes à la promesse d'achat, il faut considérer comme un acompte la somme remise par l'acheteur lors de la signature de cette promesse d’achat.
À moins de stipulation contraire, la clause 4.3 citée plus haut contient les conditions de la remise d'une somme à titre d’acompte. Selon cette clause, l’agence ou le courtier fiduciaire ne pourra se départir de cette somme que conformément à ce qui y est énoncé. Gardons à l'esprit que l’acompte transmis avec une promesse d'achat peut uniquement être appliqué sur le prix de vente à être payé si et seulement si un transfert du titre de propriété s'effectue. L’acompte détenu par l’agence ou le courtier fiduciaire appartient donc à l'acheteur jusqu'à ce qu'un acte de vente soit signé ou qu'un jugement en passation de titre n'intervienne. Hormis ces situations, le vendeur n'a aucun droit au montant de l'acompte qui a été déposé en fidéicommis.
En conséquence, un courtier ou une agence fiduciaire ne peut remettre, en tout ou en partie, un acompte au vendeur à moins qu'un acte de vente ne soit signé, qu'un jugement à cet effet ne soit rendu ou que l'acheteur ne l'ait autorisé.
Si, par ailleurs, il se produisait une situation où l'acompte devait être remboursé sans que la promesse d'achat n'y pourvoie, les énoncés suivants devraient être examinés.
Diverses situations : la marche à suivre
Dans le cas où les parties, d'un commun accord, mettent fin à la promesse d'achat, l'acheteur a le droit de se faire rembourser son acompte par l’agence ou le courtier fiduciaire sur présentation d'un document constatant cet accord et d’une demande écrite exigeant le remboursement. L’accord doit évidemment être signé par les parties et il n’est pas nécessaire qu’il stipule expressément ce qu'il advient de l’acompte. Cependant, dans les cas où cet accord précise que l’acompte doit être remis entièrement au propriétaire vendeur, l’agence ou le courtier à qui l’acompte a été confié doit évidemment se plier à ces instructions.
Notez que dans tous les cas, afin de se prémunir contre d'éventuelles poursuites de la part des parties à une transaction, la convention écrite demeure la meilleure protection du courtier ou de l’agence fiduciaire. Par ailleurs, un tel document n'étant pas toujours disponible, il pourrait être utile d'appliquer ces quelques recommandations :
1. Dans le cas où un tribunal prononce la résolution ou l'annulation de la promesse d'achat, l'acheteur a le droit de se faire rembourser son acompte par l’agence ou le courtier fiduciaire sur présentation du jugement et d’une demande écrite à cet effet. Il n'est pas nécessaire que le jugement soit spécifique au sujet de la remise de l’acompte.
2. Dans le cas où le délai pour la signature de l'acte de vente est expiré et qu'il semble que cet acte ne sera jamais signé, l’agence ou le courtier fiduciaire devrait, sur demande écrite de l’acheteur, lui remettre son acompte, à moins que le vendeur n'ait signifié audit acheteur un recours en passation de titre. Afin de se protéger cependant, l’agence ou le courtier fiduciaire qui ne connaît pas l'état des procédures entre le vendeur et l’acheteur devrait, lorsqu'il reçoit une demande écrite de l’acheteur de lui remettre l’acompte, envoyer une lettre au vendeur l'enjoignant de prendre un recours en passation de titre dans un délai déterminé (par exemple 10 jours), à défaut de quoi il remettra l’acompte à l’acheteur sans autre avis ni délai.
L'action en passation de titre est l'unique procédure qui puisse permettre au courtier ou à l’agence fiduciaire de conserver un acompte donné par un acheteur puisqu'un transfert de titre est alors toujours possible et qu'en ce cas, la somme détenue en fidéicommis doit être remise à titre d'acompte sur le prix de vente uniquement.
3. Un courtier ou une agence fiduciaire devrait remettre l’acompte à l’acheteur dans le cas où un recours en dommages-intérêts est intenté par le vendeur puisque dans ce cas, le vendeur a renoncé à réclamer la passation de titre et, conséquemment, à la possibilité de transférer le titre de propriété. Le recours en dommages-intérêts n'empêche cependant pas les procureurs du vendeur d'effectuer une saisie-arrêt avant jugement qui pourrait être signifiée à l’agence ou au courtier fiduciaire. L’agence ou le courtier fiduciaire n'aurait alors d'autre choix que d'obéir aux ordres de la cour.
4. Dans le cas où le délai pour la signature de l'acte de vente n'est pas expiré, l’agence ou le courtier fiduciaire devrait attendre que ce délai survienne, puis se conformer aux exigences du point 2.
5. L’agence ou le courtier fiduciaire doit remettre l’acompte à l’acheteur lorsque le vendeur vend sa propriété à un tiers, rendant de ce fait la signature d'un acte de vente impossible.
Exemples de réponse à une demande de remboursement d'un acompte en fidéicommis
Avis d'une demande par le déposant du remboursement de sommes détenues en fidéicommis
(date de l'avis)
(nom et adresse de la personne ou de la société à qui l'avis est adressé)
Objet : Demande de remboursement des sommes détenues en fidéicommis concernant (nature de la transaction et adresse de l'immeuble ou de l'entreprise qui en fait l'objet)
Nous avons reçu le (date de réception de la demande) une demande écrite de remboursement des sommes déposées dans notre compte en fidéicommis concernant la transaction mentionnée en rubrique. Cette demande a été formulée par le déposant, (nom du déposant). À défaut par vous de nous faire parvenir dans les dix (10) jours suivant la réception des présentes toute procédure judiciaire requérant l'exécution forcée de la transaction ou nous ordonnant de ne pas procéder à la remise de ces sommes, nous devrons remettre celles-ci au déposant. Une copie du présent avis est également transmise au déposant. (nom et adresse du courtier immobilier)
_______________________________ (signature d'un signataire autorisé de l’agence immobilière ou du courtier immobilier agissant à son compte)
Avis d'une demande, par une personne ou société autre que le déposant, du remboursement de sommes détenues en fidéicommis
(date de l'avis)
(nom et adresse de la personne ou de la société à qui l'avis est adressé)
Objet : Demande de versement des sommes détenues en fidéicommis concernant (nature de la transaction et adresse de l'immeuble ou de l’entreprise qui en fait l'objet)
Nous avons reçu le (date de réception de la demande) une demande écrite de versement des sommes déposées dans notre compte en fidéicommis au nom du déposant, (nom du déposant), concernant la transaction mentionnée en rubrique. Cette demande a été formulée par (nom du requérant). En l'absence d'un document signé par le déposant et par les autres parties à la transaction nous autorisant à effectuer une telle remise, nous avons l'obligation de conserver ces sommes dans notre compte en fidéicommis. Par conséquent, nous ne pouvons pour l'instant donner suite à cette demande de versement. Si la personne ayant fait la demande de versement n'est pas partie à la transaction, une copie du présent avis lui est également transmise.
(nom et adresse de l’agence immobilière ou du courtier immobilier agissant à son compte)
_______________________________ (signature d'un signataire autorisé de l’agence immobilière, ou signature du courtier immobilier agissant à son compte)