Le vendeur demeure libre de refuser une Promesse d’achat conforme aux conditions prévues au contrat de courtage
Note : Le présent jugement a été rendu en relation avec l’ancienne Loi sur le courtage immobilier (L.R.Q. c. C-73.1) et la règlementation applicable à cette époque dont l’application était confiée à l’ACAIQ (maintenant devenue l’Organisme d’autoréglementation du courtage immobilier du Québec (OACIQ). En conséquence, le texte qui suit fait référence au vocabulaire applicable à cette époque. L’analyse qui suit demeure toutefois pertinente sous la Loi sur le courtage immobilier (L.R.Q. c. C-73.2) entrée en vigueur le 1er mai 2010 et modifiée en juin 2018.
L’affaire Lavoie c. Succession Bernier
En 2010, la Cour d’appel, le plus haut tribunal au Québec, a rendu une importante décision relative au domaine du courtage immobilier dans un dossier où l’Association des courtiers et agents immobiliers du Québec (ACAIQ), maintenant devenue l’Organisme d’autoréglementation du courtage immobilier du Québec (OACIQ), est intervenue dès la première instance puis en appel à la Cour d’appel pour faire valoir sa position. La Cour d’appel avait à déterminer si une Promesse d’achat conforme aux conditions prévues au contrat de courtage constituait une acceptation de l’offre de vendre du vendeur, obligeant donc ce dernier à l’accepter. La Cour d’appel a décidé que ce n’était pas le cas.
Les faits à l’origine du litige sont les suivants. D’abord, un acheteur avait signé une Promesse d’achat (PA) au prix demandé apparaissant à la fiche descriptive sans aucune condition. Peu de temps après, mais avant la présentation de cette PA, une autre personne avait signé une PA pour une somme supérieure au prix demandé. Le vendeur avait refusé la première des deux PA et accepté la deuxième. La Cour d’appel a décidé que le vendeur était libre de refuser la première des deux PA.
Une Promesse d’achat conforme aux conditions du contrat de courtage ne constitue pas une acceptation d’une offre de vente au sens du Code civil du Québec
Pour arriver à la conclusion qu’une Promesse d’achat conforme aux conditions du contrat de courtage ne constitue pas une acceptation d’une offre de vente au sens du Code civil du Québec, la Cour d’appel retient l’argument suivant. En accord avec les usages et règles de l’art, la Loi sur le courtage immobilier tient pour acquis que le travail du courtier n’est pas de présenter au public en général une offre formelle de vente de la part de son client, mais bien de rechercher la meilleure offre d’achat possible. Si la fiche descriptive que le courtier a préparée comporte tous les éléments essentiels du contrat envisagé, le fait que le vendeur ait retenu les services d’un courtier indique bien que la fiche descriptive n’est pas une offre de vente au sens du Code civil du Québec.
De plus, la Cour d’appel indique que suivant la Loi sur le courtage immobilier et ses règlements, certains formulaires, tels que la Promesse d’achat et la Contre-proposition à une promesse d’achat, sont obligatoires. Il n’est fait aucune mention d’un formulaire qui serait une offre de vente. Les courtiers doivent procéder par Promesse d’achat et Contre-proposition; ils ne font pas signer et n’ont pas le droit de faire signer, par un acheteur potentiel, une acceptation d’une soi-disant offre par le vendeur.
Cette décision n’affecte pas le droit du courtier à sa rétribution
La Cour d’appel indique toutefois que cette décision ne remet aucunement en question le droit du courtier d’être rétribué pour le travail qu’il a fait si le vendeur refuse une telle Promesse d’achat conforme aux conditions prévues au contrat de courtage.
Mention à ajouter à la fiche descriptive
L’article 118 (5°) du Règlement sur les conditions d’exercice d’une opération de courtage, sur la déontologie des courtiers et sur la publicité prévoit que toute fiche descriptive ou tout document similaire, destiné au public, qui décrit un immeuble faisant l’objet d’un contrat de courtage doit indiquer, lorsque le contrat de courtage vise la vente de l'immeuble, une mention que le document ou la fiche ne constitue pas une offre ou une promesse pouvant lier le vendeur, mais qu'il constitue une invitation à soumettre de telles offres ou promesses. Ainsi, malgré cet arrêt de la Cour d’appel, vous devez tout de même indiquer, sur toute fiche descriptive ou tout document similaire, une mention à l’effet qu’il ne s’agit pas d’une offre ou d’une promesse pouvant lier le vendeur mais qu’il s’agit d’une invitation à soumettre de telles offres ou promesses.